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L'effet ciseau : une explication aux tensions de trésorerie sur les exploitations

Effet ciseau, de quoi parle-t-on ?

Si vous avez investi pour développer votre exploitation mais que votre trésorerie ne cesse de se tendre, que vos rentrées sont en plus saisonnières et que malgré tout votre bilan montre une amélioration de vos résultats techniques ainsi que de votre valeur ajoutée, c’est que vous êtes, peut-être sans le savoir, en plein effet ciseau !

En économie d’entreprise, « l’effet ciseau » désigne une situation dans laquelle deux phénomènes vont évoluer de manière opposée (un accroissement et une baisse). Si l’on représente ces deux courbes sur un graphique, cela donne l’image d’un ciseau d’où le nom « effet ciseau ». Par exemple, la sécurité sociale est confrontée à un effet ciseau, d’une part les ressources qui la financent baissent (taux de chômage élevé) et d’autre part l’augmentation de la durée de vie et les progrès médicaux augmentent les dépenses.

L’effet ciseau fait partie des éléments du diagnostic financier à surveiller notamment sur chaque exploitation en phase de développement. Il mesure l’évolution inverse des charges et des produits et permet d’expliquer la variation du résultat : Au début, les produits peuvent être supérieurs aux charges mais vont évoluer dans le sens contraire. Les produits vont baisser et les charges vont augmenter. A partir de ce croisement, les charges seront plus importantes que les produits. Il en résulte souvent alors un résultat déficitaire (perte).

Par ailleurs, l’effet ciseau n’est pas toujours le résultat d’une mauvaise gestion par l’entreprise du couple charges/produits. Cela peut avoir plusieurs origines telles qu’une production saisonnière avec des rentrées ciblées dans l’année mais des charges régulières (céréaliers, éleveurs allaitants ou maraîchers par exemple), des productions avec des prix de ventes bas en raison d’un marché mondialisé mais des charges qui elles ne sont pas à la baisse (surproduction qui fait chuter le prix de vente, embargo ou maladie dans des pays producteurs ou gros consommateurs, décisions politiques…)

Ce phénomène de croisement est, d’un point de vue économique, anormal puisque les produits et les charges doivent normalement évoluer dans les mêmes proportions. Une augmentation du chiffre d’affaires génère une hausse des achats de matières premières/marchandises, des charges de personnel etc. et inversement dans le cas d’une baisse d’activité. Mais cela reste de la théorie, et la théorie ne s’applique pas toujours.

Dans certains cas, les charges peuvent être importantes au départ, puis diminuer peu à peu à l'inverse des produits, ce qui formera là aussi une figure en forme de ciseau. C'est notamment le cas lors d’une installation ou de la modification du système d’exploitation (installation de robots, changement de l’alimentation, conversion…). Au début, les charges sont importantes notamment du fait que le processus de production n'est pas toujours totalement maîtrisé et bien mis en place. Les produits peuvent donc être moins importants au démarrage et les charges plus élevées car moins bien maîtrisées.

Une phase importante d’investissement est également une situation traditionnelle pouvant entraîner un effet ciseau : l’exploitation va réaliser d’importants investissements qui vont peser lourd sur les résultats en raison de l’augmentation des dotations aux amortissements, des intérêts sur emprunts (généralement les immobilisations sont financées par des emprunts bancaires), des charges de personnel (quand les investissements ne sont pas de substitution) entre autres.

L’effet ciseau dans l’exploitation en croissance

L’effet ciseau peut également concerner toutes les exploitations en forte croissance. Afin de mieux comprendre les mécanismes entraînant cet effet, il est important de rappeler quelques notions comptables, notamment le BFR et l’EBE.

Le BFR

Le Besoin en Fond de Roulement (BFR) désigne le décalage en

tre le décaissement de trésorerie nécessaire à la production et l’encaissement lié à la vente du bien ou du service.

La gestion de la trésorerie est alors une question prioritaire pour l’entreprise qui doit anticiper celui-ci afin de ne pas se retrouver en état de cessation des paiements.

La notion d’EBE

L’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) constitue le résultat économique de l’entreprise sans prendre en compte sa politique de financement (les charges et les produits financiers sont exclus), son système d’amortissement (qui ne se traduit pas par une sortie de trésorerie) ni sa réglementation fiscale.

L’EBE désigne donc les flux de trésoreries potentiels générés par les opérations d’exploitation.

La notion d’ETE

L’Excèdent de Trésorerie d’Exploitation (ETE) désigne le flux de trésorerie effective produit par l’activité d’exploitation.

La différence entre l’EBE et le l’ETE vient de la prise en compte du BFR. En effet, l’EBE est « juste » une soustraction (production d’exploitation– charges d’exploitation – charges de personnel) qui ne prend pas en compte le décalage de trésorerie entre la production du bien et sa vente.

C’est pourquoi l’ETE s’obtient grâce au calcul suivant : ETE = EBE – variation du BFR.

Quel impact pour l’exploitation ?

Lorsqu’une exploitation est en pleine croissance, le chiffre d’affaires va augmenter. Cette augmentation de chiffre d’affaires va accroître l’EBE de l’exploitation mais aussi son Besoin en Fonds de Roulement (achat de plus de matières premières, constitution de stock…).

Si l’augmentation du BFR est plus rapide que l’augmentation de l’EBE, l’effet ciseau arrive lorsque les réserves sont épuisées. L’Excédent de trésorerie d’exploitation devient négatif privant l’entreprise des ressources financières indispensables pour continuer de fonctionner correctement.

La gestion de l’exploitation devient alors délicate lorsque l’effet ciseau impacte la trésorerie jusqu’à la rendre négative. Lorsque la situation est mal gérée ou mal anticipée, un certain nombre de problèmes peuvent se succéder et alimenter ainsi une spirale négative :

  • augmentation des charges financières,

  • difficulté à payer les fournisseurs,

  • difficultés d’approvisionnement dues à des retards de paiement,

  • etc.

Lorsque cet effet ciseau est important, il peut amener des difficultés pouvant aller jusqu’à l’état de cessation des paiements. En effet, si les perturbations financières se répercutent de manière importante, il faudra nécessairement réduire les coûts ce qui peut aussi avoir un impact sur l’activité et à terme sur la trésorerie…

L’effet de ciseau ne doit donc pas être négligé par les exploitations, notamment par celles en croissance. C’est paradoxalement cette phase de développement qui peut amener l’entreprise à être confrontée à une gestion délicate de la trésorerie et voir un risque de cessation des paiements. Une bonne anticipation de ce phénomène permet néanmoins de garder une trésorerie saine.

Quelles solutions pour parer à l’effet ciseau ?

Identifier l’origine des problèmes de trésorerie

En cas de problèmes de trésorerie, ne restez pas seul ! La première étape est de se rapprocher de vos partenaires économiques (comptable, banquier, conseiller indépendant) pour que vous puissiez analyser ensemble la situation afin d’identifier clairement ce qui est à l’origine de votre tension de trésorerie. S’agit-il d’un problème conjoncturel ? Structurel ? Un problème sur les résultats techniques ? Cela n’a peut-être rien à voir avec un effet ciseau ?! Dans tous les cas n’attendez pas d’être au pied du mur, plus le problème est pris tôt, plus les solutions seront faciles à mettre en place et leurs effets rapides.

Mesurer le besoin de trésorerie

La première des actions à mener est de mesurer l’ampleur de la difficulté créée par l’effet ciseau, tant dans son intensité (montant de la trésorerie manquante) que dans sa durée. L’idéal est de mettre en œuvre un plan de trésorerie précis et réaliste (ce qui est souvent plus difficile qu’on ne le pense). Ce plan de trésorerie permettra :

  • d’avoir une idée précise de la situation financière et du délai nécessaire au rétablissement de la situation,

  • de se faire une idée sur la nature et l’ampleur des mesures à prendre,

  • de préparer un support chiffré pour les futures communications à faire sur la situation (associés, collaborateurs, banquiers, partenaires, …)

Il est à noter que l’effet ciseau est un phénomène prévisible et mesurable, le plan de trésorerie peut parfaitement aider l’entreprise à éviter de subir l’effet ciseau.

Prévenir les partenaires financiers

Votre partenaire financier gère un risque, rien n’est plus désagréable pour lui que d’être mis devant le fait accompli. Pour conserver de bonnes relations et obtenir des facilités à de bonnes conditions il est nécessaire d’informer son partenaire le plus vite possible. L’information fournie doit être claire, précise et rassurante. L’effet ciseau est un phénomène courant et connu, il peut être expliqué et compris par les partenaires bancaires. Il est donc important de faire un point régulier avec votre banquier afin de vérifier que vos prêts de trésorerie (découvert autorisé ou ouverture de crédit, avances court terme ou autres) sont bien en adéquation avec vos besoins surtout si ces derniers ont évolué depuis votre dernier rdv. Il est donc indispensable de valider en amont l’accompagnement bancaire nécessaire à tout projet de développement.

Même s’il ne faut pas trop en dire pour éviter de s’enfermer dans des contraintes fortes, il est important de donner un certain nombre d’indications voire d’étapes ou d’objectifs quant à la manière dont on pense redresser la situation.

Des normes d’accompagnement en trésorerie pour chaque production sont fixées par les établissements bancaires, vous y avez donc droit. Si vous n’avez pas été accompagné à hauteur de vos moyens de production par votre partenaire bancaire et que vous vous retrouvez en situation de liquidation, cela ne sera pas sans conséquences pour lui.

Maîtriser les dépenses

Lorsque la trésorerie est tendue à cause d’un effet ciseau, il est primordial de maîtriser les dépenses. L’idéal est de commencer à faire un état des lieux des dépenses en évaluant les dépenses indispensables, nécessaires, utiles et inutiles. Ceci permettra de suspendre ou de mettre fin à certains projets.

Dans un deuxième temps, il peut être important de rencontrer les fournisseurs pour renégocier les conditions contractuelles (tarifs, livraisons, délais de paiement, étalement…). On commencera évidemment par les plus importants, encore une fois les difficultés de trésorerie dues à un effet ciseau sont plus faciles à expliquer que lorsqu’elles sont dues à une baisse de l’activité.

On peut aussi réfléchir aux autres postes qui alourdissent le BFR comme le montant des stocks. Souvent l’augmentation de volume apporte des marges de manœuvre qui n’existaient pas auparavant.

Réduire les délais de paiements pour alléger l’effet ciseau

La tension sur la trésorerie est le plus souvent due aux délais de paiements. Lorsque l’exploitation développe son activité, ce poste devient souvent très onéreux. Les ETA sont les plus concernées par ce point précis. Pour vous faire payer vous pouvez opter, en accord avec votre client, à la mise en place d’un prélèvement automatique à une ou plusieurs dates définies à l’avance. Soyez rigoureux sur la mise en place et le suivi de la facturation.

Lorsque la trésorerie est tendue, et que l’entreprise est en développement, il n’est souvent pas question d’amortir les charges fixes. Il ciblera alors exclusivement les clients qui acceptent les conditions commerciales les plus avantageuses pour l’entreprise :

  • les délais de paiement courts (acompte, …),

  • les marges les plus importantes,

  • les frais les plus faibles (transport, stockage, …),

  • les plus stratégique (fournisseurs accommodants, ventes additionnelles, …)

Adapter ses phases d’investissements

Le développement de l’exploitation peut être une des causes à l’origine d’un effet ciseau. Réfléchir aux investissements et travaux à effectuer sur les 10 voir 15 prochaines années n’est pas aberrant. En effet, en vous projetant loin, vous ne vous laisserez pas surprendre pas des travaux coûteux et devenus indispensables car non anticipés. Cela vous permettra donc de préparer en amont vos phases d’investissements en consolidant votre trésorerie au préalable.

On peut alors parler d’investissements en paliers : après avoir effectué une première phase de développement, vous stoppez alors les investissements sur une certaine période, le temps de stabiliser et reconstituer votre trésorerie, voire même de la consolider pour être prêt à la deuxième phase de développement.

Ce n’est pas perdre du temps que de reporter d’un ou deux ans un investissement si votre trésorerie est tendue, le gain en sérénité et votre capacité future à faire face aux imprévus n’en seront qu’améliorés et ça sur du long terme !

Pour conclure, il n’est pas toujours facile pour l’exploitant agricole d’identifier les origines des tensions de trésoreries qu’il peut subir. Mais surtout, il n’est pas évident de trouver les bonnes solutions si l’on n’a pas identifié le bon problème. L’effet ciseau peut toucher n’importer quel type d’exploitation et des difficultés en trésorerie ne sont pas toujours synonymes de mauvais résultats ou mauvaise gestion. Car c’est leur métier et non pas le vôtre, en faire part à vos différents partenaires économiques et communiquer régulièrement avec eux est essentiel pour prévenir ce genre de situations ou permettre de les passer plus sereinement.

 

Sources :

Cet article est essentiellement basé sur celui du blog valoxy déjà très complet sur lequel je n’ai fait que rajouter quelques éléments.

https://blog.valoxy.org/effet-ciseau/

http://definition.actufinance.fr/effet-ciseau-794/

http://gecofi.fr/leffet-ciseau/

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